EROFA

Études pour une Rationalisation de l`Orthographe Française d`Aujourdhui

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Revoir l’accord des participes passés ?

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Le 12 janvier 2014, au journal de 20 heures de France 2, Bernard Pivot apparaissait en sa toute nouvelle qualité de président de l’Académie Goncourt. A la fin de l’entretien, le journaliste, Laurent Delahousse, lui a renvoyé du berger à la bergère la question que l’ancien animateur d’Apostrophes posait rituellement à ses propres invités :

« Si Dieu existe, qu’aimeriez-vous lui entendre dire quand il vous accueillera ? »

Réponse :

« Bonjour, Pivot. Vous allez pouvoir m’expliquer les règles d’accord du participe passé des verbes pronominaux. Je n’y ai jamais rien compris. »

 

Sous la saillie, la demande est révélatrice des enjeux qui s’attachent toujours, dans la mentalité française, à l’orthographe en général et à l’écriture du participe passé en particulier, cet épuisant parcours d’obstacles où certains historiens de la linguistique voient la véritable origine de la grammaire scolaire.

Aussi bien les tentatives d’aménagement n’ont-elles pas manqué. Rien qu’au XXe siècle, trois réformes officielles :

  • 1° l’arrêté Leygues du 26 février 1901,
  • 2° l’arrêté Haby du 28 décembre 1976,
  • 3° les Rectifications du 6 décembre 1990.

Ce n’est pas le moment de détailler les propositions successives ni d’en montrer les limites, les faiblesses ou les atermoiements. La motion qu’on lira ci-dessous est d’une autre nature.

Pendant des années, les Commissions « Enseignement » et « Orthographe » du Conseil de la langue française de la Communauté Wallonie-Bruxelles (présidées par Georges Legros), puis la Commission « Réformes » (présidée par Dan Van Raemdonck) du Conseil de la langue française et de la politique linguistique, ont réfléchi au problème du participe passé. Une première synthèse a paru en 2009 (L’accord du participe passé. Projet de réforme, Paris, Éditions CILF). Lors de l’A.G. du CILF « Conseil international de la langue française » du 6 juin 2013, Marc Wilmet a fait le point sur l’avancement des travaux. Un comité restreint a été séance tenante chargé d’établir des recommandations précises à l’intention des Autorités gouvernementales et des Instances de la Francophonie. Il rassemblait avec Marc Wilmet : Claude Gruaz, président du groupe EROFA « Études pour une rationalisation de l’orthographe française », déjà responsable de son côté d’un fascicule prônant, exemples à l’appui, une révision des accords du PP (Limoges, Lambert-Lucas, 2012) ; André Goosse, président du CILF, par ailleurs membre de l’Académie royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique et successeur de Grevisse à l’entreprise du Bon Usage ; Robert Martin, professeur émérite de la Sorbonne, membre du CILF et de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres de l’Institut de France.

Les discussions ont duré six mois. Chaque mot a été pesé afin de donner autant que possible satisfaction aux sensibilités différentes des rédacteurs. Le résultat a profité ensuite des avis de l’ensemble du CILF et du groupe EROFA. L’issue dépend désormais de l’accueil des enseignants.

Qu’ils veuillent bien considérer en tout état de cause deux innovations dont on est en droit d’espérer qu’elles resteront acquises indépendamment du succès de la réforme.

1. D’abord, l’appareil grammatical a été réduit au strict minimum. Le participe passé est un receveur de marques de genre et de nombre. Plutôt que de parler de « sujet » ou d’« objet » (deux notions sur lesquelles les grammairiens sont loin de s’entendre), le texte offre à l’utilisateur le moyen de trouver le donneur d’accord par le simple biais de la question « Qui ou qu’est-ce qui est (n’est pas) "participe passé" ? » pour les participe passé employés sans auxiliaire ou employés avec l’auxiliaire être, et de la question « Qui ou qu’est-ce qui s’est (ne s’est pas) "participe passé" ? » pour le participe passé des verbes pronominaux.

2. Surtout, les « fautes contre la règle » qui abondent dans l’usage de nos contemporains, au lieu de se trouver stigmatisées, sont présentées comme les applications instinctives d’une logique grammaticale en passe de se substituer à des logiques antérieures, que l’enseignement aurait peut-être tort de continuer à sacraliser.

Marc Wilmet
Professeur émérite de l’Université libre de Bruxelles
Membre de l’Académie royale de Langue et de Littérature françaises
Prix Francqui 1986

Mise à jour le Mercredi, 07 Janvier 2015 00:11